Loading...

Rencontre avec Madame Sylla Djénabou Diallo, juriste et activiste des droits des femmes

Madame Sylla Djenabou Diallo, diplômée en Droit privé, a une longue carrière de juriste-fiscaliste. Aujourd’hui, évoluant dans une structure étatique où elle est chargée de Mission ‘’Ressources fiscales’’, elle dirige aussi une ONG dénommée Mon Enfant Ma Vie. Ce qui ne l’empêche pas de jouer pleinement son rôle d’épouse et de maman. Nous l’avons approchée et c’est à cœur ouvert, et au-delà une grande modestie, qu’elle s’est prêtée à nos questions. Ensemble découvrons cette jeune dame au cœur de plusieurs fronts pour l’émancipation de la femme et le bonheur de l’homme tout court

Nenehawa.com : Bonjour Djenabou, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Madame Sylla Djénabou Diallo : Bonjour ! Diplômée en Droit Privé, je suis juriste-fiscaliste de profession.

Après mes études, je suis rentrée en Guinée et depuis j’ai évolué dans des cabinets de conseil juridique et fiscal de la place. Après 10 ans dans ce domaine, j’ai récemment décidé de faire une pause en matière de conseil pour rejoindre une structure étatique qui se veut être une force d’appui à la mobilisation et à la sécurisation des ressources internes en tant que Chargée de Mission Ressources fiscales..  

A côté de cette profession, je suis une personne très active socialement depuis quelques années. De façon individuelle, et cela depuis 2013, j’ai souvent participé à des mouvements sociaux dans le cadre de la promotion des droits des  femmes et des enfants; ce qui m’a poussé à fonder une ONG du nom de « Mon Enfant Ma Vie » dont je suis la présidente, il y un peu plus d’un an.

A côté de ces activités, je suis également entrepreneure. Je suis coassociée dans une agence de mise à disposition de maîtres coraniques et de répétiteurs à domicile du nom de « Agence prodige SARL » depuis août 2020.

Et enfin, ma plus belle activité parmi toutes, est celle de maman et d’épouse. Mon mari et mes filles constituent mon moteur et ma force de tous les jours.

Te considères-tu comme féministe? Si oui que signifie être activiste féministe selon toi ?

Oui je suis féministe par ce que je prône l’équité et je lutte pour que les femmes jouissent de leurs droits au même titre que les hommes dans notre société.

Pour moi être activiste-féministe, c’est avant tout être contre les violences basées sur le genre. Ensuite, agir et participer à la lutte pour  l’amélioration des conditions de vie des femmes dans nos  sociétés.

Quelles sont les raisons qui t’ont motivée ?

En fait je suis une passionnée de l’humain et je ne supporte pas l’injustice. Malheureusement nous vivons dans une société où il y’a tellement d’inégalités et d’injustices qu’à mon petit niveau j’ai décidé de ne plus être spectatrice mais  d’être de ceux qui luttent pour donner du sourire aux autres.

Vous savez si aujourd’hui je suis une femme libre, indépendante, instruite et qui ose parler devant du monde sans avoir peur d’une quelconque représailles, c’est parce qu’avant moi il y a eu des femmes mais également des hommes qui se sont battus pour l’émancipation de la femme. Il y a des centaines d’années, la femme n’avait droit à rien ; elle était bonne à subir et à se taire. Mais des personnes ont peu à peu décidé de lutter contre cette injustice pour qu’aujourd’hui notre génération soit à ce stade. Malheureusement, malgré tous les acquis, des femmes sont encore violentées et privées de leur droits dans certaines parties du monde et c’est au tour de notre génération de se battre afin que nos filles et petites filles puissent demain jouir pleinement de leurs droits.

Après avoir plusieurs fois été victime d’injustice tout simplement parce que je suis une femme et surtout après avoir rencontré des victimes qui ont été réduites au silence ou qui ont eu peur du jugement, j’ai décidé qu’il faut agir. J’aime dire souvent que la Guinée est un tribunal qui ne rate aucune occasion pour juger et condamner la femme et cela pour un oui ou pour un non. Même lorsqu’elle est victime, on s’arrange quand même à la culpabiliser. Je vais juste citer quelques exemples :

  • Une femme est battue,  au lieu de condamner l’homme qui l’a violentée, on demandera à la femme ce qu’elle a fait pour être battue. Et on lui demandera simplement d’être plus polie et plus soumise dans le futur ;
  • Une femme est violée, on lui demandera soit pourquoi elle s’est habillée « indécemment », soit pourquoi elle trainait dehors jusqu’à une certaine heure, ou bien  on dira qu’elle a aguiché son violeur ;
  • Une enfant subit des viols à répétions, on dira qu’elle aimait ça sinon elle aurait parlé à temps ;
  • La fornication est interdite par nos religions mais lorsqu’une fille marie en nétant pas vierge on va la traiter de tous les noms d’oiseaux sans que l’homme n’ait à prouver qu’il était chaste ;
  • Un homme est stérile, on poussera sa femme à coucher avec son frère pour sauver  « l’honneur » de son mari;
  • Une femme est stérile elle est traitée d’incapable, de calebasse vide parfois même de sorcière et pour couronner le tout soit son homme la répudie ou on lui trouve une coépouse qui va la narguer avec ses futurs enfants ;
  • Une femme est excisée pour dit’ on  l’empêcher d’être trop se pencher sur le sexe ou de tomber enceinte. Alors que 97% de nos filles sont excisées, nos quartiers pullulent de filles enceintes et de prostituées ; 
  •  Une femme accouche, elle n’a pas le droit de choisir le prénom de son enfant et l’apprendra au baptême au même titre que les invités ;
  • Des femmes sont harcelée moralement et sexuellement dans les entreprises ;
  • A compétences également, un homme est souvent privilégié à la femme lors des recrutements  et parfois même dans les rémunérations ;
  • Une fille tombe enceinte hors mariage, elle sera indexée comme la seule coupable et est parfois mise à la rue alors que le garçon lui ne sera aucunement embêté.

Et quelles sont les campagnes et actions que tu as eu à mener ton combat féministe ?

Tant d’injustices font qu’à un moment on saute le pas. J’ai commencé à participer à des mouvements citoyens en 2013. Depuis, j’ai participé à plusieurs actions dans la lutte contre les VBG et la promotion des droits humains à travers des marches de protestation, la rédaction de mémorandums adressés au gouvernement afin d’alerter sur l’urgence dans la prise de mesures concrètes pour la protection des femmes et filles de Guinée. Aussi, j’ai pris part à des séances de concertation pour l’amélioration des conditions de vie des femmes et des enfants ou à l’organisation de levés de fonds pour sauver des vies,  etc.

Aujourd’hui à travers l’ONG et avec l’aide, le dynamisme et la conviction des membres,  nous posons tous les jours des actes pour contribuer à donner du sourire à des personnes dans le besoin. Nous sensibilisons sur VBG et assistons les victimes de viol ou de malnutrition.

Tu es présidente de l’ONG « Mon enfant Ma vie ». Peux-tu nous parler de ses objectifs fondamentaux ?

Tu es présidente de l’ONG « Mon enfant Ma vie ». Peux-tu nous parler de ses objectifs fondamentaux ?
L’ONG Mon Enfant Ma vie a pour objectif principal de contribuer à une prise en charge humanisée des femmes pendant la grossesse et lors de l’accouchement mais aussi de lutter pour la protection et le respect des droits des enfants à travers :

  1. L’ONG  Mon   enfant,   Ma   Vie,   comme   son   nom   l’indique   a   pour   objectif
  2. principal de contribuer à une prise en charge humanisée des femmes enceintes et en accouchement
  3. et de lutter pour les droits et la protection des enfants et des femmes.
  4. A travers:

– La réflexion, l’information sur les problématiques maternelles et infantiles,

– La promotion des droits et protection des femmes et des enfants,

– La promotion des   actions   de   sensibilisation   visant   à   réduire   la   mortalité   maternelle   et infantile,

– Le renforcement des compétences théoriques et pratiques des acteurs œuvrant pour l’amélioration

de la santé maternelle et infantile,

– La mobilisation   des   partenaires   nationaux,   internationaux   et   la   diaspora   autour   de   cette problématique de santé de la reproduction,

– La promotion d’une prise en charge humanisée des femmes pendant la grossesse et lors de

l’accouchement,

– La promotion d’une alimentation saine et équilibrée des enfants (malnutrition).

Quelles stratégies adopte l’ONG pour atteindre ses objectifs ?

  • L’ONG  «Mon   enfant,   Ma   Vie»,   comme   son   nom   l’indique   a   pour   objectif
  • principalde contribuer à une prise en charge humanisée des femmes enceintes et en accouchement
  • et de lutter pour les droits et la protection des enfants et des femmes.
  • A travers la reflexion ,l´information sur les problématiques manuelles et infantiles

– La promotion des droits et protection des femmes et des enfants,- La promotion des   actions   de   sensibilisation   visant   à   réduire   la   mortalité   maternelle   et infantile,

– Le renforcement des compétences théoriques et pratiques des acteurs œuvrant pour l’amélioration

de la santé maternelle et infantile,

– La mobilisation   des   partenaires   nationaux,   internationaux   et   la   diaspora   autour   de   cette problématique de santé de la reproduction,

– La promotion d’une prise en charge humanisée des femmes pendant la grossesse et lors de

l’accouchement,

– La promotion d’une alimentation saine et équilibrée des enfants (malnutrition).

 La structure est jeune et se veut efficace et crédible. Nous mettons un point d’honneur à respecter les procédures et jouant la carte de la transparence avec nos membres qui sont constamment informés de nos activités et de l’utilisation des ressources financières. Chaque année nous organisations l’Assemblée Générale annuelle lors de laquelle un rapport d’activité est présenté aux membres et un plan d’action pour l’année suivante est adopté ainsi que le budget. Avec nos différents partenaires également, nous respectons nos engagements et œuvrons toujours dans le sens du bienêtre des populations. Ce n’est pas  une ONG pour récolter des fonds et enrichir ses membres, mais c’est une ONG au service de la Guinée.. Pour preuve, jusque-là malgré nos faibles moyens nous avons pu recueillir plusieurs jeunes femmes enceintes et jetées à la rue qui ont, grâce à notre accompagnement bénéficié,  d’un suivi adéquat et ont accouché dans les meilleures conditions. Nous avons également organisé des collectes de millions de GNF et les dons ont toujours été utilisés à bon escient. Des enfants malades ou malnutris ont été sauvés grâce à notre engagement. Notre secret c’est la conviction, la crédibilité et le professionnalisme dans et en ce que nous faisons

 Comment devenir membre de l’ONG ?

C’est simple. La personne adresse un courriel de demande d’adhésion à ong.monenfantmavie@gmail.com ensuite nous lui répondrons et lui fournissons  toutes les informations nécessaires pour y adhérer.

Penses-tu que notre génération soit plus déterminée ou motivée à mener les combats pour le futur ?

Alors, je dirais qu’elle est en voie de détermination. Elle n’est pas tout à fait prête car il y a encore beaucoup de réticences face à l’abandon total de certains fléaux. N’oublions pas que nous vivons dans une société patriarcale qui n’arrive pas encore à accepter qu’une femme puisse dire haut et fort ce qu’elle pense, qu’elle puisse réclamer ses droits, faire ses propres choix et refuser de subir sans réagir.

La parité par exemple malgré sa constitutionnalisation, elle est encore loin d’être atteinte. Pas parce qu’il n’y a pas de femmes capables mais tout simplement parce que la société n’est pas encore prête à accepter cela.

Et quel est ton avis sur ce combat sur le féminisme, la parité ou quota des femmes aux postes de responsabilité, le mariage forcé et l’excision, des sujet toujours d’actualité ?

Mon avis sur ces différents combats est que tout le monde devrait s’y mettre car ce n’est pas seulement un combat des femmes mais un combat de tous. Malheureusement beaucoup pensent que le féminisme est dirigé contre les hommes mais c’est archi-faux sinon, il n’y aurait pas eu d’hommes féministes.

Un homme qui lutterait contre l’excision aura lutté pour préserver la féminité de sa fille. Un homme qui lutte contre le viol aura lutté pour préserver la dignité de sa fille, sœur, épouse et même mère. Un homme qui ne bat pas une femme et est contre les violences conjugales est tout simplement un homme mature qui aura compris que ce n’est pas par la violence qu’on règle les problèmes mais par le dialogue.

Un autre aspect est que pour y arriver, il faut que toutes les femmes comprennent d’abord c’est quoi le féminisme, qu’elles sachent qu’être féministe ne veut pas dire être rebelle ou impolie. Que le féminisme ne leur enlève en rien leur féminité mais plutôt leur accorde le droit d’avoir un choix. Le féminisme lutte pour qu’elles puissent choisir si elles veulent être dans un foyer polygame ou pas. Qu’elles aient le droit d’épouser l’homme de leur choix, d’exercer le travail de leur choix, de porter les habits de leur choix sans aucun jugement, qu’elles aient droit aux mêmes postes électifs et nominatifs que les hommes sans pour autant vendre leur dignité. Le féminisme ne veut pas dire qu’il faut  manquer de respect à votre époux ou ne pas vous en occuper, le féminisme vous apprend que vous devez respecter vos partenaires de vie mais que vous avez également droit au même respect. Que votre époux au lieu de vous battre, il doit plutôt vous protéger. Le féminisme c’est également que vous femmes n’avez pas le droit d’être complices et ne devez pas être à la base du malheur d’une autre femme. Le féminisme, c’est aussi le fait de s’aimer entre nous femmes, nous soutenir, nous protéger et nous guider.

Quels sont tes projets futurs ?

Continuer à me battre et de toujours participer à offrir un futur meilleurs aux femmes et aux enfants de demain.

Vos conseils pour le site nenehawa.com

Je vous félicite et vous encourage à continuer à donner la parole aux femmes et ainsi de participer à votre manière à la promotion de la femme et de ses droits. Je vous suggère également de donner la parole aux hommes sur les sujets concernant les femmes  car il est important de les intégrer dans notre lutte car tant qu’ils ne comprendront pas et ne s’approprieront pas la lutte, nous continuerons à subir.

Nous sommes au terme de notre entretien. Présidente, quel est ton mot de la  fin ?

C’est de tout d’abord vous remercier pour l’interview mais également dire aux femmes que nul ne devrait les empêcher de vivre libres, indépendantes et surtout d’être  maitresses de leur destin. Aujourd’hui on se bat, mais pour encore plus impacter le futur, il faudrait que nous éduquions autrement nos enfants. Apprenons à nos fils et filles que l’intégrité de l’être humain est à préserver. Aux garçons qu’on ne violente pas une femme, qu’on ne viole pas, qu’on respecte les choix de l’autre et que la femme n’est pas un objet. A nos filles, de ne pas avoir peur d’oser, de pas se fixer de limites dans l’atteinte de leurs objectifs, de ne pas se rabaisser et surtout de toujours exiger le respect de leurs droits. 

Merci.

Interview réalisée par NENETTE BALDE POUR NENHAWA.COM

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *